Retour vers l'Eden
"Eden". Une forme théâtrale courte qu'on a imaginée pour aller à la rencontre des gens, dans des lieux de convivialité populaire. 6 comédien.ne.s, 1 metteur en scène, 1 technicien qui ont écumé les bars et les restaurants - Paris & Banlieue - à l'automne-hiver 2019-2020. On a hâte de retrouver ces petits coins de paradis…
Pour le moment, on se prépare à envahir à nouveau, les bars, les restaurants, les jardins privatifs… et on a les souvenirs qui inspirent une page sur notre site internet, les mots de Sophie et un "filmage" confiné.
Dix semaines, une éternité. Un bar parisien bondé et un public entassé pour venir respirer un peu d’Eden. Un conte sur le premier homme et la première femme dont la seule interrogation est de savoir si c’était une bonne idée de croquer dans la pomme. Non parce qu’ils pourraient se transmettre une malédiction. Non. Juste parce que, braver l’interdit oblige à la liberté.
On se tient à moins d’un mètre pour faire rire et entraîner la foule un peu frileuse d’un dimanche pluvieux… Pour se rassurer on partage le fond de teint épais - petit masque dérisoire - le fond de mascara, le fond de poudre à rosir, de crayon noir, de brillant à lèvres… L’adrénaline est contagieuse.
Une soirée de plaisir, de jeu, de rires et d’émotions. On sent déjà que les dieux s’amusent à titiller notre sentiment de toute puissance. Et si nous n’étions que de toutes petites molécules ajustées au hasard, marionnettes pétillantes et pantelantes jetées les unes contre les autres ?
Et puis est venu le temps des oiseaux, du silence, des rues vides… Supermarché désertique. Sensation de terreur quand on croise le regard de la caissière derrière son bec de canard blanc périmé : je sens son courage jusque dans les gerçures de mes mains désinfectées frénétiquement tant de fois dans les dernières quarante-huit heures.
Nous ne sommes tous qu’un immense cœur qui bat la même mesure, qui commande pâtes, bières et œufs au même rythme pour y trouver une vague sensation de sécurité (où va-t-elle se loger, la sécurité ?!). Un seul et même poumon qui part en bataillon se gonfler des derniers rayons de soleil dominical quand il entend que pointe le confinement, qui se creuse de terreur le lendemain quand il est saisi de réalisme comme d’une désillusion, qui appréhende fébrilement de se faire miter par le nouveau nénuphar né quelque part, loin, de la férocité d’une Chauve-souris. C’est rassurant, nous ne faisons qu’un.
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